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domingo, 25 de abril de 2010

Un matin de dimanche de M. Nietzsche

Tradução do texto que vem a seguir, abaixo.

 Merci à Annick
M. Nietzsche, comme d’habitude, s’est éveillé tôt ce dimanche. Il était logé dans une petite auberge, prés de la mer de la baie de Rapallo, près de Genova. La pluie et le froid avaient cessé, le soleil s’aventurait dans un ciel où les nuages se dispersaient. Il a pris une tasse de thé très fort, en se préparant pour sa promenade sur le chemin allant vers le sud, qui passait à travers les pins et d’où on voyait la mer. En se promenant dans les rues de la petite ville, il a vu des gens se dirigeant, pressés, vers la messe, pendant que les cloches de l’église annonçaient huit heures. Il a observé attentivement les parents qui tiraient leurs enfants par la main, les belles jeunes filles dans leurs habits du dimanche, avec de beaux chapeaux qui les protegeaient du soleil et du regard des garçons. Il a pu observer aussi les vieilles dames qui scrutaient le monde d’un œil méfiant et accusateur. Il s’est souvenu combien, dans son enfance, il avait été obligé à fréquenter l’église, et plus encore après la mort de son père, ceci toujours accompagné de sa mère, sa sœur, et sa tante.
Combien de mépris y a-t-il chez ces vieilles femmes, tant chez les jeunes que chez les autres, combien de mépris pour les instincts vitaux, elles dont le ressentiment abîme leur corps, et qui se mortifient dans l’illusion d’atteindre l’au-delà, pauvres diablessses, elles voient ce pressuposé même de la vie, la sexualité, comme quelque chose d’impur.
Il s’est dirigé vers une rue secondaire, très étroite, qui montait vers le début du chemin qu’il était en train de prendre. Il y avait, dans cette rue, une librairie où un vieux monsieur sourd maintenait de poussiéreux livres en attendant les acheteurs qui n’apparaissaient que rarement. M. Nietzsche a cette fois decidé d’y entrer, plus par curiosité quant au libraire qu’en virtu des livres, puisqu’il lisait très peu ces dernièrs mois. Lentement, il a circulé parmi les étagères, cherchant juste des livres où il flairerait un jour de soleil, une brise tiède venue du sud, et peut-être qui sait la saveur des raisins frais, ou d’une tasse de chocolat épais et non gras. Il s’écartait de livres dont l’odeur renverrait à des cabinets d’étude, des bibliothèques, et des salles de conferénce. Il a remarqué une étagère, contenant divers livres de Kant et, juste au-dessous, La phénoménologie d’Esprit. Un vent glacial a pénétré dans ses narines. Il s’est écarté. Il a avancé rapidement en direction d’une belle édition de Le rouge et le noir, qui exhalait un parfum de fleurs du champs. Il a voulu l’acheter, mais il s’est apperçu qu’il n’avait pas d’argent. Peut-être reviendrait-il plus tard. Le libraire a regardé attentivement ce monsieur altier, avec une grossse moustache qui lui couvrait la bouche. Il a pris une petite tablette et il lui a écrit en lui demandant s’il était allemand. M. Nietzsche a fait signe que non de la tête, et il lui a montré du doigt un “Stendhal” écrit dans le livre. Le libraire a tout de suite compris qu’il était français. Il a souri. Et il reçut le même sourire en retour.
M. Nietzsche est sorti de la librairie décidé à revenir une autre fois. Cette journée-lá, il ne pouvait pas gaspiller le soleil qui se fixait, plonger dans ce paysage magnifique. Le chemin était en déclivité, et on pouvait arriver au sommet de la butte, d’oú on voyait tout le promontoire de Portofino. C’est ce qu’il a fait, en s’arrêtant de temps en temps pour prendre des notes. Il portait toujours un petit cahier, et ne s’arrêtait même pas pour écrire les pensées qui lui apparaissaient ainsi, en plein air, pendant que ses muscles fêtaient les joies de la promenade. Il se sentait très bien disposé, après avoir souffert pendant des années de migraines terribles, de difficultés de vision, et de douleurs aiguës dans l’estomac. Il avait dû abandonner sa chaire de Philologie Classique à l’Université de Bâle, mais maintenant il se sentait comme si cela lui avait sauvé la vie, et rendu la liberté de penser par lui-même et à ses risques et périls.
L’erudit ne fait que remuer des livres. Le philologue doit bien en arriver à deux cents sur une journée! Il finit par perdre la capacité de penser par lui-même. Il ne fait que répondre à des stimulus – une pensée lue – et il se contente d’approuver ou de disapprouver, et de faire la critique de ce qui a été pensé par un autre. Si il ne remue pas, ne pense pas. C’est la meilleure formule pour la stupidité.
Quand il est revenu à la ville, il s’est apperçu qu’il avait écrit une dizaine de pages. Satisfait des pulsations de son corps, il s’est acheminé vers le petit restaurant où, à Rapallo, il prenait habituellement un frugal repas. À l’une des tables, il y avait quelques dames qui bavardaient pendant qu’elles mangeaient des pâtes accompagnées d’un rôti de bœuf. Le propriétaire du restaurant était un napolitain très sympa avec lequel il échangeait toujours quelques mots.
– Ah, M. Nietzsche, il fait beau aujourd’hui, n’est-ce pas, le froid a fait la trêve!
– Une matinée excellente, sans aucun doute.
– M. Nietzsche, laissez-moi vous présenter ma cousine Anita et sa belle-sœur, Mme. Bergamasco, elles sont arrivées en ville hier. Mesdames, je vous présente M. Nietzsche, il est professeur en Suisse.
– Ex-professeur, M. Pecolatto.
– Bonjour, M. Nietzsche.
– Bonjour, mesdames, soyez les bienvenues.
– Voulez-vous vous asseoir avec nous, M. Nietzsche, nous étions en train de commenter combien la messe a été touchante aujourd’hui, et quel beau choeur.
– Je vous en remercie, toutefois j’ai maintenant quelques notes à relire.
L’aveuglement face au christianisme mène l’humanité à la décadence. La moralité chrétienne est une anti-nature qui reçoit les plus grands honneurs, néanmoins, elle ne fait que sauver les faibles et les impuissants du suicide et de la honte d’eux-mêmes. Ils ne se sont donc pas encore aperçus que les églises ne sont que les tombes d’un dieu mort? Que ces messes ne sont que les litanies d’un funérarium horripilant?
M. Nietzsche s’est assis à sa table habituelle, pendant qu’il attendait son repas. Mais, les parentes de M. Pecolatto se sont risquées à une tentative de plus pour attirer l’attention de ce distinct monsieur. Une question de Mme. Bergamasco a traversé l’espace du restaurant, éveillant les regards et les oreilles de plusieurs autres clients:
– Mais enfin, M. Nietzsche, dites-nous, vous êtes allé à la messe aujourd’hui?
Il a regardé attentivement la vieille dame qui avait un sourire en même temps aimable et défiant. Il a appuyé la main gauche sur le cahier ouvert au-dessus de la table et a retenu un verre d’eau avec la droite. Les cloches de l’église sonnaient, exactement à ce moment-là, douze heures. Midi est l’heure sacrée pour ceux qui ne croient pas aux ombres. M. Nietzsche a élevé son verre vers Mme. Bergamasco, comme s’il lui offrirait un toast:
– Pas aujourd’hui, madame, pas aujourd’hui.